Trankh et la familleRougefer

[HRP] Présentation de quelques petits personnages que je joue à l'occasion et que vous croiserez peut-être [/HRP]

Sérieusement. Vous devriez pas me regarder comme ça. Remarquez, vous êtes pas le seul, hein. Les autres là, les gens du dehors, ils font pareil, ils se croient tous spéciaux, alors que je sais bien moi qu'ils sont les uns comme les autres. Question originalité, vous valez pas bien mieux qu'eux. Tout le monde passe son temps à s'écarquiller les yeux sur ma dégaine de paquet à ruban. Croyez-moi, vous aurez beau vous écorcher le bon goût en restant planté devant moi avec votre air de général, ça ne changerait pas grand chose à votre problème. Je m'en irais pas d'ici. Jamais. Les pieds devant et l'œil tourné, au pire. Tenez-le vous pour dit. Le Dehors, c'est bon pour les fous ou les imbéciles. C'est le paradis des militaires. Faut dire qu'à leur sujet, je ne sais pas trop dans quelle catégorie les ranger, celle des insanes, ou celle des stupides. Imaginez-vous ça, même quand l'ennemi vous a des noms aussi grandiloquents que "Le Roi Liche", ça leur importe peu, aux généraux, pourvu qu'ils puissent leur écraser la gueule et fumer le cigare en gueulant des trucs exaltés qui font fuir les oiseaux. Si vous voulez mon avis, on devrait jamais faire fuir les oiseaux, et on devrait jamais occire les gens qui promènent des noms décorés comme des cathédrales. C'est comme ça. Le bon sens, ça s'apprend à l'ombre.

Qu'on se comprenne, la serpillière qui traîne sur mes épaules - oui, une soutane si vous voulez, m'ennuyez pas, le commun, c'est pas mon truc,c'est une langue pour les fous, avec quinze mots pour dire la même chose; on s'y perd. La soutane, c'est pas que je l'aime au point de la poudrer tous les matins. C'est pas le sacerdoce qui fait battre mon cœur, comme on dit. Mais finalement, c'est pas pire qu'autre chose. Quand il a fallu choisir, ça m'a semblé une bonne solution. Quand j'ai entendu toutes ces histoires demeurées au sujet de la Lumière, j'ai vite compris que c'était le meilleur moyen de se mettre à l'ombre. Et pour tout vous dire, j'ai remarqué que c'était près des cimetières qu'on tuait le moins de monde. Tiens, là vous me faites le coup de l'outrage , avec vos sourcils qui essaient de se planter dans vos yeux. J'en ai vu d'autres. "Trankh, tu n'es qu'un lâche", qu'on me dit toujours. Le coup de l'orgueil, qu'on essaie de faire. Sauf que chez moi, l'orgueil, c'est comme une braise engloutie par la marée haute, ils auront beau le triturer avec le tisonnier, ça donnera rien.

D'ailleurs c'est pas exactement vrai. Je suis pas lâche, pas du tout. L'en faut du courage pour venir s'enfermer ici, croyez moi. C'est juste que j'ai pas envie de mourir. C'est naturel ça, ça n'a rien à voir avec le courage. A quoi ça servirait d'aller planter mes os dans la terre, hein, tout ça pour contenter l'égo d'un général! Des morts, des blessés, j'en vois tous les jours ici, avec leur gueules de fantômes déchus. Eux aussi ils se demandent ce qu'ils font là. Mais finalement, j'vous assure, ils finissent par être bien contents, même ceux qui crachent leur sang par tous les orifices. Tant qu'ils sont ici, ils évitent la boucherie, ils évitent la guerre. Et la Grande Faucheuse, bah elle reste dehors à attendre. C'est pas une sainte non plus, elle a quelques remords à entrer par ici. Et s'il s'avère qu'un gars finit par pourrir complètement, on le balance dehors, histoire qu'Elle puisse faire son boulot quand même.

Allez, déballez votre rengaine sur les renforts, les besoins des troupes. Vous m'ferez pas changer d'avis. J'irai pas user le pavé d'une route, la pauvre. Hein? Quoi? Ma soeur qui me demande? Elle est là? Foutrentrailles!! La petite Sieglinde! La luronne! Qu'est ce qu'elle fiche ici?? Elle a besoin de mon aide, c'est bien ça, sauf que je suis très occupé. Là vous voyez, j'ai ces deux gros candélabres à astiquer. Ah, un message, permettez, je sais lire quand même, oui... c'est bien ça... NOM DE NOM!!! Thrall a disparu!! Vous saviez ça vous? ... Bah non, vous pouviez pas savoir, vous l'aviez jamais vu, notre petit lapin domestique. Il a des yeux, on dirait un crocodile, c'est pour ça qu'on lui a donné le nom, c'est logique somme toute. Oulah, remettez vous, vous êtes tout blanc, c'est pas comme si un général venait de mourir. Et on va bien finir par le retrouver. Tiens, vous voyez, j'vous jurais il y a pas même trois secondes que vous me verriez jamais pousser la bille dehors, et déjà je vous dis le contraire. Oubliez jamais ça, on peut jamais faire confiance à tout ce qui marche et parle. Foutue race de jouisseurs et de menteurs. Sauf les généraux, mais eux ils sont fous, c'est pas pareil, comprenez? Et moi, j'peux pas précisément laisser ma soeur dans cette galère. Thrall, c'est tout ce qu'elle a au monde; moi je compte pas trop faut dire. Mais il y a rien de pire que d'être seul. Complètement seul je veux dire, on est tous plus ou moins en train de dîner face au mur quand on finit par crever. Mais soeurette sans son lapin, très sincèrement, ça me fend l'âme rien qu'à imaginer. Elle a beau être folle avec ses histoires d'armée, je l'aime bien. Une naine comme ça, on en trouve pas tous les jours. Nom de nom, le Père va pas être content. Foutu Thrall, il a bien choisi son moment, en plein conflit international contre une force obscure. Si ça se trouve, on croisera un général, et on se retrouvera comme des imbécile au milieu d'un génocide général où on foncera contre les autres pour que les nôtres ne nous piquent pas le derrière.

R'mettez moi en une, si c'est pas trop vous demander! J'ai le gavion plus rocailleux que vos montagnes; ce qu'il me faut là, c'est une bonne bière, de celles qui vous laissent des nuages blancs et de l'ivresse plein la barbe. C'est une sacrée histoire quand même hein, celle que je vous raconte! Ca vous apprendrait la surprise à une poule, comme on dit. Et tout ça, toute cette galère, tout ce danger qui s'accroche à mes tripes, c'est entièrement de sa faute, foi de Rougefer!

Ah ça, regardez-là donc, cette mignonne, là-bas, dans le coin, derrière les cris, tout au bout de la lumière! On pourrait croire qu'elle est gentille et réservée, à s'asseoir comme çà à la lisière de l'ombre, pour pas importuner la joie gueularde de vot' taverne. Le lait de chèvre qui écume sur sa lippe, ça lui confère pas vraiment un air terrifiant, j'avoue. Même, je vous prends le pari que si vous êtes assez fou pour lui faire la conversation, vous y trouverez pas à redire. Une naine de première qualité, que vous vous direz, une élégante en somme. J'aurais pas vraiment matière à vous en vouloir. Et pourtant, croyez moi, dans sa tête, doit y avoir une demi-douzaine de démons apocalyptiques qui lui défrisent la raison, et qui entraînent le Monde vers le malheur comme une vieille branche dans un torrent. C'est pire qu'un dragon dans son crâne. J'aurais jamais dû partir avec elle. Jamais. J'ai plus aucun doute là-dessus d'ailleurs : je vais finir crevé sous la neige, et y aura rien à redire. C'est couru d'avance.

J'devrais m'enfuir, la laisser seule avec sa cohorte de tous les enfers qui clapote du sourcil. Mais même la frousse, elle arrive pas à m'écarter de ses traces. Une frousse paralytique. Y a des êtres comme ça, ils vous découperaient la gorge qu'on les aimerait quand même. Voilà. C'est ma sœur. C'est Sieglinde. Et la peluche en neige qui lui chatouille le mollet, c'est Thrall. A cause de ce fichu lapin que je l'ai accompagnée, la soeurette. Elle l'avait perdu, on devait le retrouver. Une affaire simple au premier abord, même si trouver une paire d'esgourdes immaculées au beau milieu de l'hiver, c'est pas aisé. A la Vallée des Frigères qu'on s'est retrouvé tous les deux, un peu déconcertés : en fait de lapins, ça grouillait, il y en avait absolument partout; pas moyen de soulever une pierre sans tomber sur un lièvre qui vous filait entre les doigts. Mais ça, finalement, c'était pas le pire, on a fini par le retrouver, Thrall.

Seulement, on a trouvé un gars aussi. Un nain, parfaitement immobile, avec un manège pas possible qui tournait autour de lui, des gens qui criaient, qui couraient, . Le nain, lui ça l'affectait pas trop: planté dans le sol qu'on aurait dit, les yeux et les pieds gelés. L'air triste aussi. C'est incroyable comme la tristesse ça vous déteint sur le visage, il y a pas moyen de pas s'en apercevoir. Sieglinde, elle a bien vu que ça clochait chez ce type, qu'il lui manquait une case question jovialité naturelle.

"Fous lui la paix, il a pas l'air bien, on devrait pas se mêler de la tristesse des autres", je lui ai fait, à la soeur

"Cette homme est visiblement dans une grande détresse, il est de notre devoir d'aller lui proposer notre soutien", qu'elle me répond. Ah c'est qu'elle parle bien, faut lui laisser ça. Des grandes phrases, des mots à enluminures, la Sainte Taxe à chaque recoin, elle vous retournerait le cœur d'un coup de ponctuation.

Bref, j'ai pas même le temps d'émettre une objection, une toute petite, pour la forme, qu'elle s'est déjà précipité sur l'infortuné. Il devait nous attendre, c'est pas possible autrement. V'là qu'il commence à déblatérer sur les hautes menaces qui planeraient au-dessus de la race naine. Les Hautes Menaces!! Faut croire qu'il aime bien les généralités qui prêtent à l'effroi. Mais il s'arrête pas là, le drôle, non. Il aime bien les détails, aussi : comme quoi y aurait des Troggs plein la forêt, que ça serait même devenu dangereux de s'écarter des routes. Moi, je voyais pas trop l'intérêt de s'écarter des routes, à part pour se soulager, mais l'autre là, il trouvait ça parfaitement vital. Et ma sœur de sortir une énorme hache, luisante comme un œil vicieux, et de s'élancer vers le sud en hurlant "Sus aux Troggs".
Je la comprends pas toujours, ma sœur. M'enfin j'en ai conclu que ça devait être une sorte d'expression générique qu'on emploie chez les militaires quand on va se foutre sur la gueule.

De c'qui s'est passé ensuite, je pourrais pas trop vous en parler, tellement c'est dégueulasse. Pour faire bref, ça a été un carnage, un authentique. J'ai jamais vu autant de sang bouillonner hors des cadavres, j'en ai vomi pendant trois jours. Soigner des malades et faire des bandages, c'est une fichue rigolade à côté. Les malades au moins, si on y regarde pas de trop près, ils sont en un seul morceau.

Elle a fini par s'arrêter, soeurette. Faut dire qu'il y avait plus de Troggs. Un peu amochée qu'elle était quand même, Sieglinde, la peau parsemée de morsures et de coups, et du vieux sang qui lui zébrait la joue. Je l'ai un peu rafistolée, ça je sais faire, mais quand même. On a passé un moment comme ça, silencieux, à décorer ses bras avec des bandages. Après, j'ai pas pu me retenir, je l'ai sévèrement engueulée. Je lui ai dit tout ce que j'avais sur le cœur, et je ne parlais pas tendre. Elle a pas eu grand chose à redire à mes arguments, elle était d'accord avec tout. Que c'était la dernière fois. Qu'elle voulait juste aider l'autre, là. Puis elle a un peu pleuré; elle voulait pas que je parte, c'est sûr. Besoin de moi, qu'elle avait.

Le type immobile a eu l'air content quand on est revenu. Il nous a jeté quelques pièces dans la main, qu'on puisse aller se saouler. J'étais soulagé, je croyais encore à la mauvaise aventure, au coup de boutoir d'une nuit mal embouchée, j'avais l'espoir qui me murmurait que c'était fini, qu'il y avait plus qu'à rentrer. Tu parles. Très vite qu'on a remis ça. Et plusieurs fois encore! A croire que Dun Morogh, c'est un champ de types immobiles qui ont l'air triste rien que pour éveiller la vertu démoniaque qui gît dans les tréfonds de ma sœur. Elle se débrouille plutôt pas mal, mais moi j'en finis plus d'avoir peur.Ca va mal finir, c'est sûr.

Allez, Une petite dernière.